Partie 2 : Les thérapies géniques

Les informations qui suivent vise à informer les patients et leurs familles sur ce qu’est la thérapie génique. Pour cela, nous proposons ici d’expliquer les notions clés de cette technique novatrice.

1 – Introduction

Tout d’abord, la notion de « thérapie génique » concerne une technique de soin qui se sert de ce qu’on nomme du « matériel génétique » pour soigner une personne. Pour rappel, ce « matériel génétique » correspond à tout ce qui renvoie au caractère génétique de nos cellules. Il s’agit donc d’apporter, au sein de l’ADN d’une personne (son code génétique personnel), une transformation pour la soigner. Comme l’explique un dossier publié par l’Inserm à ce sujet :

La thérapie génique consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie. Au départ, cette approche a été conçue pour suppléer un gène défectueux en cas de maladie monogénique (liée à la dysfonction d’un seul gène). Mais au cours des deux dernières décennies, l’évolution rapide des connaissances et des technologies a permis de démultiplier les stratégies possibles et d’élargir leur utilisation à de très nombreuses indications, dont certains cancers [1]

La thérapie génique englobe donc une multitude de techniques différentes, toutes visant le rétablissement de la santé d’une personne malade. Pour les comprendre, nous en proposons un résumé dans ce qui suit. Nous ferons également un point sur les différentes applications médicales aujourd’hui, avec un focus sur les thérapies géniques consacrées au Syndrome d’Angelman.

2 – Résumé technique

L’introduction d’un matériel génétique sain dans le corps d’un malade implique des processus différents selon les pathologies et selon l’évolution des techniques. La première stratégique de thérapie génique vise à « importer la copie d’un gène fonctionnel dans une cellule cible, pour qu’elle s’y exprime et aboutisse à la production de la protéine qui fait défaut ». Dans cette méthode, il s’agit de soigner par l’ajout d’un gène sain qui, une fois introduit dans le corps de la personne malade, sera capable de produire la protéine manquante ou défectueuse. Comprenons donc que cette technique ne vise pas à supprimer le gène existant, ni à le transformer, mais bien à ajouter du matériel génétique pour compenser la fonction malade.

Pour incorporer cette copie du gène sain dans la cellule cible, il existe deux façons de faire : in vivo ou ex vivo. In vivo, comme son nom l’indique, sous-entend que l’injection du matériel génétique sain se fait directement dans le corps de la personne malade. Le gène sain est contenu dans un « vecteur » qui agit comme un transporteur. Le vecteur est, dans la plupart des cas, constitué par une enveloppe virale non pathogène. La difficulté de cette technique est d’être sûr que le vecteur arrive au bon endroit dans le corps du malade. Pour contrôler au maximum l’acheminement du matériel génétique sain vers les cellules ciblées, il existe aussi leur modification ex vivo, c’est-à-dire à l’extérieur du corps. Dans ce deuxième cas, il y a d’abord le prélèvement des cellules souches de la personne malade. En laboratoire, ces cellules souches sont modifiées par le même vecteur contenant le gène sain. Ainsi, augmentées de la fonction génétique voulue, ces cellules sont multipliées en laboratoire. Une fois cette étape terminée, elles sont réinjectées dans le corps du patient. Cette injection de ses propres cellules supplées font alors office de médicament.

En parallèle, d’autres innovations techniques se font jour, bien qu’elles soient encore expérimentales. Il devient possible de supprimer ou de réparer un gène altéré, directement dans la cellule, sans avoir à le garder au côté d’une copie fonctionnelle. Ces modifications sont notamment permises grâce à des « ciseaux génétiques » comme ceux nommés CRISPR-Cas9.

Explication en vidéo de la méthode CRISPR/Cas 9 pour l’édition génique

Cette innovation a valu à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna le Prix Nobel de chimie en octobre 2020. Un article consacré à leur travail, rédigé par Léa Galanopoulo, est disponible en cliquant sur ce lien : CRISPR-Cas9: des ciseaux génétiques pour le cerveau | CNRS Le journal

Si ces ciseaux sont capables de couper et d’insérer du matériel génétique à l’endroit voulu, ils ne sont pas sans risque actuellement. En particulier le risque est de couper le génome à des endroits non souhaités ou de cibler par erreur une séquence génomique hors cible (« effet » off-target). Un travail très important est donc mené pour que ces risques soient écartés dans les thérapies génétiques à venir [2].

Parmi les thérapies géniques figurent également les thérapies à base d’ARN messager (ARNm) d’origine recombinante. Il existe d’autres ARNms d’origine synthétique, permettant de moduler l’expression d’un gène, tels que les ARN interférents ou les oligonucléotides antisens. Ceux-là ne servent pas de matrice pour la fabrication des protéines, mais jouent un rôle dans la régulation de leur production. C’est pour cette raison que lorsqu’ils sont utilisés, nous parlons de thérapie innovante et pas de thérapie génétique.

Le cas spécifique des thérapies en lien avec le cerveau

Les thérapies devant atteindre le cerveau sont confrontées à la barrière hémato-encéphalique (BHE) qui est une membrane semi-perméable protégeant le cerveau des substances nocives présentes dans le sang et celle-ci constitue un obstacle majeur pour l’administration de médicaments.

Différentes approches sont en cours de développement pour franchir la BHE : vecteurs viraux modifiés, taille réduite des particules traversant la BHE, nanoparticule, injection par voie intracérébrale.

La BHE représente un défi important pour les thérapies géniques du cerveau (ce qui est le cas pour le syndrome d’Angelman) mais de nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années.

3 – Applications actuelles

La sécurité et l’efficacité des thérapies géniques sont au cœur des recherches et des essais cliniques actuels. Ces essais de thérapie génique sont très longs à mettre en place puisqu’ils diffèrent selon les pathologies, dont les besoins et les obstacles ne sont pas les mêmes. De même, la recherche clinique se rythme en plusieurs phases longues [3] pour garantir l’efficacité et la tolérance des futures thérapies mises sur le marché. Néanmoins, plusieurs succès ont été attestés pour différentes pathologies [4].

Dans le cas du Syndrome d’Angelman, les thérapies géniques et innovantes offrent un espoir considérable puisqu’aucune alternative thérapeutique n’existe à ce jour. Lié à la perte de fonction d’un ou plusieurs gènes du chromosome 15, ce syndrome fait l’objet de différentes recherches et d’essais cliniques. Récemment, une thérapie génique qui véhicule le gène UBE3A par un vecteur virale AAV laisse entendre des résultats très prometteurs. Si aucun résultat n’est encore publié, d’autres stratégies de thérapie génique visent à réactiver l’UBE3A paternel en réduisant le transcrit antisens UBE3A (UBE3A-ATS), une molécule qui fait taire l’UBE3A paternel.

FAST France souhaite remercier Mme Chevalier, Ingénieur de recherche et patiente experte à l’AP-HP Necker et Mme Semeraro, Professeur des universités et praticien hospitalier à l’AP-HP Necker qui ont contribué très fortement à la rédaction de cette partie.

[3] Ce temps se répartit entre les recherches fondamentales, les recherches précliniques (sur animaux notamment), puis cliniques en plusieurs phases. Une fois les phases terminées (les dernières phases pouvant durer 5 ans), une analyse des données donnent lieu à une publication qui permet ou non de donner lieu à une mise sur le marché par les autorités sanitaires. Vous pouvez retrouver des informations sur le parcours d’un médicament.